Par Mélina Thibault, chargée de projets du Fonds Écoleader en Mauricie

Nous avons entendu parler à mille et une reprises dans les médias ces dernières semaines de la fameuse COP26. Mais en quoi les engagements, qui ont été pris par le Canada lors de cet évènement, concernent les petites et moyennes entreprises (PME) du Québec ?

L’envergure de la COP26 peut laisser croire que ce sont les multinationales et les grandes entreprises qui étaient visées par les multiples engagements, mais vous réaliserez dans les prochaines lignes qu’il en est tout autrement. Je me suis entretenue avec Denis Leclerc, président et chef de la direction d’Écotech Québec, afin de décortiquer différents engagements pris par le Canada lors de la COP26 et leurs impacts sur les entreprises d’ici. J’ai également eu le plaisir de discuter avec M. Émile Boisseau-Bouvier, analyste politique chez Équiterre, qui m’a permis de prendre conscience de certains éléments très intéressants, qui eux, ressortiront en conclusion de cet article.

 

Élimination d’ici la fin de 2022 du financement public international accordé au secteur de secteur des énergies fossiles.

 

Je débute en allant droit au but : qu’est-ce que cela signifie pour les entreprises pour les années à venir ? En n’oubliant pas que le Canada a mentionné lors des dernières élections qu’il allait mettre fin d’ici 2030 aux subventions des énergies fossiles, qu’elles proviennent du Canada ou d’ailleurs.

Denis Leclerc : Ça signifie que le prix du baril de pétrole devrait augmenter. Face à cela, la première priorité des entreprises devrait être de réduire leur consommation d’énergie, d’être plus efficace au niveau énergétique, et ce, peu importe le type d’énergie utilisée. En misant sur l’efficacité, une entreprise est plus performante en utilisant moins d’énergie, ce qui lui permet évidemment de diminuer les coûts. Investir dans l’efficacité énergétique est très payant à court et à long terme, et c’est un excellent moyen de réduire son empreinte carbone. Ensuite, la deuxième priorité réside dans le remplacement d’une énergie à base d’hydrocarbures vers une énergie à moindre impact comme le gaz naturel renouvelable, pour se diriger vers l’hydroélectricité. C’est une transition inévitable pour laquelle les entreprises doivent agir dès maintenant.

 

Octroi de 319 millions pour le développement des technologies de capture, de stockage et d’utilisation du CO2

 

Il a-t-il des entreprises au Québec qui développent ces types de technologies ?

DL : Oui, il y a des entreprises qui ont développé des technologies qui visent la capture de CO2. Maintenant, ce qu’il faut faire, c’est de développer des façons d’utiliser le CO2 qui est capté afin de favoriser le développement économique. Actuellement, il y a la compagnie SAF+ Consortium qui transforme le CO2 de l’entreprise Parachem en biocarburant pour les avions. Ce type d’innovation est extrêmement intéressante dans la lutte aux changements climatiques, sachant que le transport aérien cherche à réduire son impact environnemental. Il y a également Carbicrete qui eux, une fois que le carbone est capté, l’emmagasine dans des blocs de ciment. C’est une autre utilisation intelligente des rejets de CO2 qui permet également une belle synergie entre les entreprises. Il ne serait pas surprenant que, d’ici quelques années, qu’il y aura davantage de programmes pour encourager les entreprises manufacturières à installer ce genre de technologies dans leurs usines.

 

60% des émissions globales de GES seront couvertes par une taxe carbone d’ici 2030 (en ce moment ce sont 20%). Il pourrait aussi y avoir l’imposition d’une taxe sur les produits provenant de pays qui n’ont pas de cibles environnementales robustes

 

Est-ce que cette taxe carbone est une bonne ou une mauvaise nouvelle pour nos entreprises ?

DL : Nous revenons à l’importance de diminuer notre dépendance envers les hydrocarbures. Nos entreprises doivent comprendre que cela va devenir de moins en moins rentable de faire fonctionner une usine à base d’énergies fossiles. Ensuite, l’imposition d’une taxe carbone sur les importations provenant de pays qui n’ont pas de cibles environnementales assez robustes constitue une excellente opportunité pour les entreprises du Québec. Plus nous saurons concevoir des produits à faible empreinte carbone, plus nous aurons un avantage concurrentiel par rapport à nos compétiteurs nationaux et internationaux. C’est pour cette raison que nous devons encourager le secteur industriel et manufacturier du Québec à trouver des façons pour réduire l’empreinte carbone de leurs produits. Au niveau commercial, ce sera une excellente opportunité d’accroitre leur marché, de bien positionner leurs produits à travers le monde.

 

La totalité des nouveaux camions et autobus vendus d’ici 2040 seront zéro-émission.

 

Où en sommes-nous au Québec dans l’électrification des transports lourds ?

DL : Il y a plusieurs initiatives au Québec pour électrifier les camions lourds, ou rendre le transport lourd moins dommageable pour l’environnement. Il existe différentes avenues au niveau de l’électrification, au niveau de l’hydrogène et des biocarburants, et ce sera peut-être la combinaison des trois qui va nous permettre d’avoir un transport lourd (ce qui comprend le transport maritime et ferroviaire) plus écoresponsable. Plusieurs compagnies québécoises oeuvrent déjà dans l’électrification de différents types de véhicules telles qu’Ingenext, Theron, Écotuned et Dana (Nordresa). C’est une industrie extrêmement florissante. De nombreuses entreprises sont à la recherche de la meilleure technologie, la meilleure solution pour améliorer le bilan GES du transport. C’est très encourageant de voir autant de nos chercheurs se pencher sur cet enjeu-là. Considérant qu’environ 45% des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec proviennent du secteur du transport, rendre ce secteur moins nocif pour l’environnement est un élément clé dans la lutte aux changements climatiques. D’ailleurs, le Gouvernement du Québec vient tout juste de lancer une nouvelle réglementation pour les autobus électriques, ce qui donnera certainement le coup d’envoi pour l’électrification de plusieurs autres véhicules lourds.

 

Le Canada s’est engagé dès maintenant à acheter de l’acier et du béton à faibles émissions de carbone

 

Sommes-nous bien positionnés au Québec pour répondre à cet engagement ?

DL : Cet engagement représente encore une fois une opportunité à saisir pour les entreprises. C’est une expertise à développer, et comme nous avons des gens très créatifs et ingénieux au Québec, et que la recherche se rapproche de plus en plus des entreprises, nous avons un contexte extrêmement favorable au développement de nouvelles technologies. Réussir à opérer dans les industries lourdes en émettant le moins de GES, c’est le défi actuel, et oui je crois que nous sommes bien positionnés pour répondre à cette demande.

 

Annonce de « Breaktrough agenda », un accord signé par une quarantaine de pays pour accélérer le déploiement des technologies propres à travers le monde

 

J’ose croire que cet engagement est extrêmement important pour Écotech Québec !

DL : Certainement. C’est majeur. Ça veut dire qu’il va y avoir des efforts dans plusieurs pays pour accélérer le transfert technologique. Ça va donner l’occasion à nos entreprises qui conçoivent des technologies propres de se faire valoir, de se faire voir dans plusieurs pays. Une excellente nouvelle, qu’il faut profiter.

 


 

Somme toute, les PME sont toutes aussi concernées que les multinationales par les engagements qu’a pris le du Canada lors de la COP26. Comme l’a bien mentionné M. Boisseau-Bouvier lors de notre entretien : « On peut se sentir déconnectés en tant que PME face à des évènements d’une telle envergure, mais il ne faut pas oublier que les changements climatiques peuvent avoir des impacts opérationnels importants dans les entreprises ».  L’analyste politique a même ajouté que les coûts de l’inaction sont très grands, surtout dans une époque où les engagements environnementaux du gouvernement sont voués à augmenter : « À chaque COP, il est attendu que les pays arrivent avec une ambition renouvelée par rapport à l’année précédente, donc les entreprises ont tout intérêt à planifier leurs opérations pour les 10 prochaines années en prévoyant un resserrement annuel des réglementations. Comme quoi être prévoyant, c’est payant ! ».

 

Mais par quoi commencer si vous voulez adopter des pratiques d’affaires écoresponsables ou des technologies propres dans votre entreprise ?

 

Le Fonds Écoleader est un excellent début ! Ce fonds provient du ministère de l’Économie et de l’Innovation et finance jusqu’à 75% les dépenses reliées à l’accompagnement, la réalisation de plans d’action et d’études de faisabilité de projets visant à intégrer des pratiques écoresponsables et technologies propres dans une organisation. Ce fonds vous permettra d’évaluer les différentes possibilités pour réduire l’empreinte environnementale de votre entreprise, tout en augmentant la productivité. Ces différentes avenues seront également révisées pour cadrer avec vos objectifs et vos priorités d’affaire. Depuis ses débuts en 2019, le Fonds Écoleader a permis de réaliser plus de 500 projets à travers le Québec, et parmi ces projets, plusieurs entreprises ont connu un retour sur investissement très rapide. En voici quelques exemples de retours sur investissements de projets financés par le Fonds Écoleader :

  • Délices du Lac Saint-Jean : 1 an (projet en pratiques écoresponsables)
  • STGM : 8 ans (projet de bâtiment durable)
  • Centre commercial Place du Royaume : 2 ans (projet de caractérisation des matières résiduelles)
  • Auberge le Baluchon : 3 ans et 4 mois (réduction de la consommation de propane)
  • Lowe’s Canada : 3 ans (système de gestion de l’énergie)
  • Et plus !

Pour passer à l’action ou pour simplement discuter de l’admissibilité de vos projets, visitez le site web d’Écoleader dans la section « contactez votre agent » !